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Réflexions littéraires

L'événement littéraire
 
L'histoire littéraire ne met pas sur le même plan toutes les œuvres du passé : certaines sont considérées comme meilleures que d'autres. Certains événements ont mis en évidence des œuvres : la fondation de l' Académie française (1635 ), la première représentation du Cid ( 1636 ), la préface de Cromwell ( 1827 ), la bataille d'Hernani ( 1830 )...Ces événements-là ont été reconnus par la postérité. Il faut en effet attendre un peu, mais pas trop, pour juger de l' impact d'un événement littéraire..
Stendhal n'est pas un événement littéraire parce que son influence ne s'impose que lentement.
L'événement littéraire est toujours plus ou moins un scandale, toujours une surprise éclatante. Il attire autant l'admiration que l'indignation.
" En vain contre le Cid un ministre se ligue,
Tout Paris pour Chimène a les yeux de Rodrigue. "
Que l'on songe à Flaubert ( Madame Bovary ), à Baudelaire ( les fleurs du mal ) : ils ont pour eux la jeunesse qui se reconnaît dans leur œuvre, mais la bourgeoisie leur intente un procès.
L'événement littéraire modifie le cours de la littérature en imposant de nouveaux principes critiques et esthétiques. C'est évident lorsqu'il consiste en un manifeste : Défense et illustration ( 1549 ), Préface de Cromwell ( 1827 )... Mais c'est vrai aussi pour des œuvres en apparence, mais sans doute en apparence seulement, éloignées de toute préoccupation de changement; elles doivent offrir au public la possibilité de dégager des vues esthétiques nouvelles et fécondes : ainsi les fleurs du mal de Baudelaire ne forment pas un recueil de pensées critiques, mais impliquent toute une esthétique nouvelle et donnent naissance à un mouvement littéraire. Le public sent que dès le  point de départ de l'œuvre tout va changer, tout ce qui va suivre va avoir un parfum de nouveauté.
L'événement littéraire est mis en valeur par la propagande. C'est pourquoi l'événement littéraire n'est pas toujours l'œuvre ou l'action littérairement la meilleure, mais parfois celle qu'une propagande habile met le mieux en valeur bien qu'il ne faille pas le réduire aux proportions d'une grossière affaire commerciale, mais il ne résulte pas toujours d'une création originale. La préface de Cromwell est pleine d'idées empruntées à Stendhal par exemple, et les érudits disent que loin d'être en avance sur les idées de son temps, elle est plutôt timide dans ses innovations. Mais elle a su donner une allure  voyante, une portée un peu tapageuse à des théories que Stendhal exprimait plus discrètement.
De même Hugo fait un événement littéraire de son Hernani.
S'il y a peut-être des chefs d'œuvre qui passent inaperçus du public, les événements littéraires, eux, frappent le public. Beaucoup de ceux-ci sont dus à la scène, qui en assure l'éclat immédiat : Le Cid en 1636, Andromaque en 1667, le mariage de Figaro en 1784, Hernani en 1830.
Mais l'éclat n'est pas une condition suffisante. Il y a beaucoup de faux événements littéraires qui meurent aussitôt nés.

Il y a beaucoup de faux événements littéraires, c'est-à-dire des événements que la postérité ne retient pas comme tels : " les méditations " de Lamartine par exemple. La postérité en a décidé autrement. Un véritable événement littéraire doit pouvoir être replacé dans un courant où il marque un progrès décisif et il doit être à la fois en rupture et en continuité avec ce qui le précède.

L'événement littéraire comme réponse à une question.
L'événement littéraire vient fréquemment après une époque d'épuisement et l'impression de nouveauté qu'il donne résulte souvent moins d'une rupture que d'une reprise de fécondité. " La défense et illustration " est un événement littéraire parce qu'elle répond à l'attente d'un renouvellement. " La préface de Cromwell " éclate comme en réponse à cette question ambiante : " Que va devenir le théâtre? L'événement littéraire peut satisfaire aux aspirations d'une génération qui n'a pas trouvé son artiste pour l'exprimer : " Les méditations " de Lamartine ( 1820 ), " Les fleurs du mal " de Baudelaire (1857 ) libèrent littéralement des générations de jeunes gens qui n'avaient pas encore entendu leur voix dans la littérature. En ce domaine il faut bien admettre la coïncidence : font événement littéraire " les œuvres dont la beauté répond à une question anxieuse, comme le remarque Gide, reléguant au second plan ces " réponses qui suivent après que la question n'est plus posée "; ce sont des œuvres qui ne répondent plus à rien. En somme, l'événement littéraire est souvent le fruit d'une attente.
L'événement littéraire doit connaître une certaine diffusion. Il retentit longuement au cours d'une génération. " Les fleurs du mal ", après avoir créé le scandale que l'on sait, ne livrent que très lentement leur vrai visage : manifeste romantique et parnassien pour les contemporains; elles apparaissent peu à peu comme un témoignage sur les inquiétudes de l'âme moderne; grâce à la diffusion, elles livrent leur vrai secret qui est spirituel, presque métaphysique.


 
La création littéraire
 
L'inspiration et surtout l'inspiration poétique sont parfois présentés comme un état passif. Depuis très longtemps, le poète semble connu pour avoir le don du rêve... et pourtant il lutte contre les mots. Il cherche les ajustements  des mots avec la pensée et quand il trouve la bonne combinaison, c'est une œuvre rare et précieuse. Cette création est en fait ce qu'il y a de plus distinct de l'état de rêve. Il n'y a dans la création que recherches volontaires, assouplissement de la pensée.
La création n'est ni une idée qui cherche à trouver sa forme, ni une forme qu'on travaille par pur plaisir. C'est  un peu les deux,  une sorte d'assouplissement d'évolution de la  pensée, la pensée se précisant et s'améliorant dans  un travail permanent et salutaire.
Pour les classiques, l'idée et la pensée étaient reines, la forme devait obéir et s'adapter :
" Maudit soit le premier, dont la verve insensée
Dans les bornes d'un vers renferma sa pensée,
Et, donnant à ses mots une étroite prison
Voulut avec la rime enchaîner la raison ! "
Bossuet dit : " Ce qu'il y a de plus nécessaire pour former le style, c'est de bien comprendre la chose, de pénétrer le fond. " Buffon écrira: " Plus on donnera de substance et de force aux pensées par la méditation, plus il sera facile ensuite de les réaliser par l'expression. "

Signalons cependant que l'œuvre des Goncourt est à peu près un échec; ils ont un succès d'estime et on garde le souvenir d'un style, d'une écriture, de recherches volontaires pour créer ce style
d'artiste. Mais cet immense travail de recherche, d'affinement psychologique pour les héros et de documentation...n'atteint pas le chef d'œuvre. Aucun de leurs personnages n'émergent pour rejoindre les grands types littéraires : Andromaque, Figaro, Julien Sorel. Il faut plus que du travail pour créer des êtres qui prennent place dans la mémoire des hommes et du monde.

Quelle leçon en tirer ? Que la simplification enrichit. Par exemple, lorsque le type littéraire est simplifié autour d'une passion unique. Tous les personnages ou presque qui restent dans nos mémoires et qui sont devenus populaires étaient dès l'origine orientés vers une tendance quasi unique et ils abondaient jusqu'au bout dans le sens de cette tendance. Tartuffe mène son hypocrisie jusqu'à la prison, Carmen meurt de sa passion pour la liberté et Cyrano rend son dernier souffle, debout en parlant de son amour avec panache. Ils n'en meurent pas tous, dans ce cas, ils recommencent obstinément : Renard recommence sans cesse ses tours, Panurge ses vols, Figaro ses intrigues, d'Artagnan ses duels et ses aventures, Tartarin ses vantardises.
Ces héros simplifiés ou agités sont-ils donc de simples caricatures ? Précisément non, et tout le mystère est là, ce sont des " types ". Rastignac en est un...Peut-être est-ce parce qu'il faut laisser au héros dont on veut faire un type, une marge d'autonomie, qu'il ne faut pas creuser trop avant l'analyse, qu'il ne faut pas dire trop non plus.


 
 
Théâtre et art théâtral

 
Le public d'aujourd'hui est restreint surtout pour des œuvres comme celles de Ionesco, alors que le théâtre populaire avec Jean Vilar et d'autres a touché, frôlé la vaste audience du grand public, en remettant à la mode au milieu du XX e siècle, les pièces classiques et étrangères. Qu'est-ce à dire sinon peut-être que le théâtre à la Ionesco risque d'aboutir à une impasse car il est loin d'être populaire.
Ses moyens sont limités, et les prolongements du thème de l'homme traqué par le langage, risquent d'aboutir à des redites. D'autre part, les effets d'un tel théâtre semblent encore plus gros que ceux du théâtre traditionnel. Ils réussissent encore parfois à déclencher le rire. Et, ce que l'on prend volontiers pour insolite, dans le théâtre de Ionesco, n'est peut-être qu'une interprétation du monde à travers le regard d'un enfant. Les trois nez de Roberte, ne font-ils pas partie d'une féérie aussi acceptable que l'œil unique de Polyphème ? Et l'énormité du cadavre d'Amédée, peut s'expliquer, par l'agrandissement des objets dans notre souvenir, et la déformation qu'un
œil d'enfant naïf, fait subir au monde familier. Enfin, même le théâtre de Ionesco, n'est pas simplement dérisoire. Depuis " tueur sur gage ", Ionesco a redonné au langage un poids de sérieux inaccoutumé, et les lieux communs des thèmes de la solitude et de l'angoisse devant la mort, sont en train de redevenir vérité.
On peut dire également que les reproches de Ionesco ne sont pas toujours fondés. Il suffit de lire les tragédies de Racine, pour affirmer que les procédés ne sont pas toujours gros et que les idées sont nuancées : on ne retrouve plus dans l'œuvre de Racine, les événements extraordinaires, chers à Corneille, mais des drames du cœur qui, même s'ils semblent hors du commun pourraient toucher des familles. On peut lire des catastrophes de ce genre dans les journaux : une Hermione qui fait tuer l'homme qu'elle aime, par son principal admirateur, ou une Phèdre éprise de son beau-fils. La complication chez Racine, les ressorts de ses tragédies, même s'il se contente de peindre les ravages de la passion, sont exceptionnels et intérieurs. C'est au fond des personnages, qu'il faut chercher. Dans " Andromaque ", les personnages, esclaves des sentiments qu'ils inspirent et de ceux qu'ils éprouvent, subissent dans leurs espérances et dans leurs craintes, le contrecoup de ces sentiments. Toutes les tragédies de Racine ou presque, conduisent ainsi avec habileté le drame, sans autre intervention que celle des facteurs moraux. Leur intérêt résultant d'actions devenues nécessaires, vu les circonstances. Racine n'utilise aucun moyen artificiel : les personnages se rencontrent , l'action inévitable s'engage et se noue nécessairement
et avec facilité. Le rôle il est vrai de la fatalité tragique, du destin, sont importants, mais ils ont un rôle pour certains dans la vie même qu'on les appelle " destin ou hasard ". Mais chez Racine, disons qu'ils sont intériorisés.
D'autre part, les caractères des héros de Racine sont complexes. Il ne s'agit plus de caricatures ou de personnages traditionnels, mais d'êtres vivants qui laissent une grande impression de vérité. Partout des aveux dissimulés, des insinuations, des dehors de délicate politesse, mais qui revêtent les passions les plus violentes et les résolutions les plus hardies. Les héroïnes : Hermione, Bérénice, Roxane et Phèdre, sont des passionnées qu'on croirait à première vue de même famille et qui pourtant sont si individuelles, que chacune est un caractère non seulement original, mais unique. Athalie est aussi orgueilleuse qu'Agrippine, et aussi violente que Clytemnestre. Mais elle concentre aussi la violence de sensibilité que Racine a répandue, sur ses effrayantes héroïnes.
Enfin et surtout, tout le peuple des spectateurs peut devenir élite, et par conséquent actif, si on lui accorde la possibilité de s'élever. Ce problème a fait l'objet d'études et d'entreprises qui ont passionné Brecht et Jean Vilar. Brecht au contraire d'Aristote, ne cherche pas à proposer l'adhésion du spectateur, et comme Ionesco, il pense que l'intrusion de ses sentiments déformerait le monde. Il n'écrit donc pas pour " un théâtre de patronage ". mais contrairement à Ionesco, il affirme que la seule marque du respect que l'on doive aux spectateurs, est de ne jamais sous-estimer leur intelligence. Il va donc, en particulier dans " la Mère ", s'efforcer d'enseigner un comportement pratique, en offrant à la vue du spectateur, des conditions particulières, des milieux susceptibles d'être transformés. Dans cette perspective, le but du théâtre est noble. Non seulement il ouvre les yeux, mais il conduit le spectateur au bonheur. Le bon spectateur doit être prêt à mobiliser toute son expérience, pour reconnaître les difficultés à surmonter dans la vie, pour comparer, critiquer et enfin s'instruire en vue de sa propre situation.
Désormais, le spectacle montre à l'homme, non plus son impuissance comme dans la dramaturgie Aristotélienne, non plus son absurdité, comme dans celle de Ionesco, mais sa liberté. Quant à la mise en scène, elle reste traditionnelle, soit en  redonnant au théâtre sa valeur de parabole, soit  en érigeant ses moyens modestes en moyens qui mettent en valeur un côté esthétique.

Comment prétendre ramener à une synthèse claire, le théâtre  dans les années 60, 70, ce théâtre toujours disparate, parfois même contradictoire. Comment rassembler même sous une même enseigne le théâtre en général, je veux dire Racine,  Ionesco ou Brecht ? Peut-être en affirmant que le problème n'est pas dans les effets, les procédés ou les idées, mais dans l'Art. Ce qui est parfaitement juste en tout cas, c'est que le théâtre est toujours une contemplation de la nature humaine, et que les personnages dramatiques resteront, à la façon du Pirandellisme, en quête d'un auteur et d'un public. Chaque civilisation, chaque morale les interpréteront à leur façon. mais cette nature et ces personnages, devront être transfigurés, pour accéder à la dignité de l'Art, et toucher le public, c'est ce que Ionesco semble négliger dans ses critiques.


Le rire ? Le rire spontané, celui qui se déclenche malgré nous...Qu'est-ce qui peut nous faire rire ainsi ? Un jeu de gestes, un jeu de mots ? Ce rire subit et irrépressible naît de clowneries, de fantaisies verbales soit, mais il dépend aussi de notre état d'esprit. Le comique de Scapin, les jeux linguistiques de Rabelais à Coluche ouDevos... Avant Molière, et même à ses débuts, la comédie en France consistait surtout en ces deux effets : jeux de scène acrobatiques et clowneries en tout genre dans " le médecin volant, " de vrais discours de camelots, grande fantaisie de gestes et de costumes...C'est la forme la plus naturelle et la plus spontanée du comique. La plus ancienne aussi.
Il y a plusieurs sortes de comique : comique de situation, comique de caractère, comique de mœurs, comique de mots. Mais souvent la séparation en catégories est difficile car le comique forme un tout.

 

Date de création : 03/07/2008 . 21:23
Dernière modification : 22/08/2012 . 21:42
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