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Sujets divers

Réflexions sur  certains auteurs littéraires et sur certaines œuvres


 
 
On a dit de Rousseau :
 
qu'il avait mis " du vert dans la littérature ". Vous définirez avec précision son sens de la nature.
Les occasions :
a ) Escapades ( enfance ) et voyages.
b ) Séjours ( Charmettes, Ermitage, île St Pierre ).
c ) Dégoût de la vie sociale et urbaine
Les Œuvres :
a ) Récits réels : Confessions, Rêveries
b ) Correspondance : à M. de Malesherbes.
c ) Fictions : Nouvelle Héloïse, Emile
Les paysages
a ) Montagnes ou plaines.
b ) Paysages limités ( grottes , forêts ) ou étendues ( lacs, champs )
c ) Paysages solitaires ou peuplés ( paysans ).
Comment ?
1 ) En voluptueux
 
a ) Couleurs ( peu nombreuses ) et formes ( nombreuses ).
b ) Action bénéfique sur son état physique.
c ) Volupté sensuelle
2 ) En sentimental :
 
a ) La nature est le miroir des sentiments.
b ) La nature entraîne l'apaisement des passions.
c ) La nature provoque le renaissance des souvenirs.
d ) La nature déclenche l'exaltation de l'imagination.t
3 ) En mystique
a ) Extase existentielle au sein de la nature.
b ) Intuition de Dieu.
c ) Sens de la Providence.
Dans quelle mesure ?
1 )  Limites :
a ) Aspects peu nombreux.
b ) Horizons limités.
c ) Pittoresque réduit.
 
2 ) Originalité
a ) Avant Rousseau, la nature sert de cadre à la galanterie ( Astrée ); d'antichambre à la morale ( La Fontaine ); de contrepoint au bavardage mondain ( Madame de Sévigné );  de tremplin au lyrisme religieux (Bossuet).
b ) Avec Rousseau, la nature vit : Elle est elle-même ( nature décrite ), elle est l'homme ( nature sentie ), elle est Dieu ( nature pensée )
3 ) Influence
a ) Suite directe : Mœurs : jardins, goût pour la campagne; littéraire : thèmes littéraires nouveaux, culte de la sensibilité.
b ) Prolongements et dépassements :  Pittoresque et exotisme ( Bernardin de St Pierre, Chateaubriand ). Personnification de la nature ( Lamartine, Musset, Vigny ). Animisme cosmique ( Victor Hugo )
Conclusion :
Sentiment personnel et vrai, importance littéraire capitale.
 
 
 
La pensée dramatique de Molière




Cr savoir ce que pense Molière de son art, comment il conçoit le " drame ", c'est-à-dire le genre théâtral ( par opposition aux autres genres littéraires ), il faut s'adresser en premier lieu à certaines de ses préfaces, mais surtout à deux pièces : la critique de l'École des femmes ( 1663 ) et l'impromptu de Versailles ( 1663 aussi, mais imprimé seulement en 1682.


Du public au comique

Dès la préface des Précieuses ridicules ( 1659 ), il indique : " Le public est le juge absolu de ces sortes d'ouvrages. " Il revient sur ce thème du " public " en 1661 dans la préfae des Fâcheux et précise encore sa pensée dans la scène 5  de la Critique : " Je me fierais assez à l'approbation du parterre par la raison qu'entre ceux qui le composent il y en a plusieurs qui sont capables de juger une pièce selon les règles, et que les autres en jugent par la bonne façon d'en juger qui est de se laisser prendre aux choses et de n'avoir ni prévention aveugle, ni délicatesse ridicule. " Ces considérations nous amènent tout droit au problème du comique; en face d'un double public, " le parterre " et la cour, les gens simples et les " honnêtes gens ", comment Molière procède-t-il pour plaire à la fois aux uns et aux autres ?

C'est d'abord par le recours à la forme la plus traditionnelle du comique : le contraste. Cela remonte à la farce, qui oppose entre eux des personnages tout faits et qui fait jaillir le rire de cette opposition, de ce choc : Gorgibus ne se reconnaît pas dans Cathos et Magdelon; celles-ci, de leur côté, doutent de leur parenté avec lui. Le contraste peut s'étendre au vocabulaire, et l'on pensera ici aux exclamations célèbres : " le pauvre homme " ou " le poumon ". le  comique, à ce niveau, est simple, simpliste même aux yeux des difficiles. Il peut cependant s'affiner : ainsi lorsque Tartuffe use ( et abuse ) du vocabulaire religieux pour tourner sa déclaration d'amour : il peut passer du simple contraste entre les personnes ou les mots au contraste des caractères ou des pensées : Philinte et Alceste affirment deux philosophies contraires de la vie. Le contraste peut aussi se manifester à l'intérieur d'un même personnage; Alceste, en désaccord avec ses principes, est amoureux d'une coquette. Arnolphe est à le fois père adoptif et amoureux. Techniquement, des scènes entières peuvent être des scènes à contraste ; ainsi les scènes de dépit amoureux ( cf. Le Dépit ou le Bourgeois Gentilhomme ) dans lesquelles la première partie s'oppose à le deuxième, l'opposition d'ailleurs n'étant pas seulement formelle, mais trouvant un fondement psychologique, dans les caprices des amoureux.
Ce comique de contraste peut devenir un comique hors des convenances, quand il oppose le personnage du bourru à la société. c'est le cas dans l'école des femmes. Ce même type de bourru, ce sera aussi Alceste " l'atrabilaire amoureux " ( sous titre de la pièce ). Cependant, contrairement  à l'opinion de Jean-Jacques Rousseau, d'autres pensent   qu'Alceste ne ridiculise pas un personnage vertueux, mais donne au contraire de la vertu à un personnage traditionnellement bouffon.. Ce bourru, c'est le personnage qu'il interprétait ordinairement: sans doute correspondait-il à un jaillissement personnel, à une tendance intime : peut-être est-ce la raison de ce supplément d'humanité.
A ce comique par contraste, fourni par la tradition mais enrichi, Molière joint ne forme plus personnelle, plus raffinée, qui répond mieux que la première aux désirs des spectateurs cultivés : la parodie. le rire ne jaillit pas seulement d'un choc, mais d'allusions contemporaines. C'est un comique tiré de l'actualité, surgissant directement de la satire des m
œurs. Dans les précieuses, la parodie commence dès que Jodelet et Mascarille se sont introduits chez les deux jeunes filles et leur jouent la comédie de la préciosité et de la galanterie. La scène est d'ailleurs d'une complexité comique remarquable, qui témoigne de la maîtrise de l'auteur : double comique de contraste dans la mesure où ces deux grands seigneurs ne sont en réalité que  des valets et où ces jeunes filles simples se font passer pour des mondaines;  double parodie aussi par les valets, parodie des manières et des propos précieux ( pastiche dont ils sont très conscients d'ailleurs ); par les jeunes filles, parodie de la foi en la préciosité puisqu'elles accueillent avec sérieux ce qui n'est que singerie de la part des deux  hommes. Dans le Misanthrope les exemples de comique par parodie sont nombreux : on songera à la cène du sonnet, à celle des portraits, à celle d'Arsinoë. Mais ce qui est le plus remarquable, c'est que souvent Molière introduit la parodie elle-même dans l'action: si quand il nous présente le salon de Célimène, il y a parodie pour les spectateurs, mais non pour les protagonistes, dans le Tartuffe par contre il parodie les faux-dévots qui eux-mêmes parodient les vrais, et c'est cette dernière parodie, jouée par l'inquiétant Tartuffe dans la demeure d'Orgon, qui fournit à la pièce son action. A ce stade le moyen comique est devenu matière comique.

. Le problème du genre des comédies de Molière se trouve posé par deux phrases d'une critique : " Ces sortes de satires tombent directement sur les mœurs... ce sont miroirs publics ", " Lorsque vous peignez les hommes, il faut peindre d'après nature; on veut que ces portraits ressemblent, et vous n'avez rien fait si vous n'y faites reconnaître les gens de votre siècle ". Que peint-il donc, les mœurs ou les caractères ?

La recherche du contraste conduit Molière à la comédie de caractère, celle de la parodie à la comédie de mœurs. Le théâtre de Molière est donc à la fois un théâtre de caractère et un théâtre de mœurs. Les traits de caractère analysés et peints par l'auteur sont éternels, mais aussi d'époque dans la mesure où l'on y trouve un tableau de la vie sociale et familiale au XVII e siècle. Le caractère d'ailleurs dépend en partie des urs : c'est parce que les classes sociales sont extrêmement tranchées qu'on trouve des benêts ambitieux comme Monsieur Jourdain, parce que les mariages sont avant tout des affaires qu'on voit des jeunes gens et des jeunes filles porter atteinte au respect de la famille. La religion faisant l'essentiel de la vie de cette époque, donne à l'hypocrisie les moyens de s'épanouir, et l'obsession des convenances ouvre la porte à la pruderie.

Le vrai sujet des comédies de Molière, c'est donc, comme il le dit lui-même, le " siècle ". Cette vérité de la matière est d'ailleurs lourde de conséquences, car en constatant que dans l'Univers moliéresque se joue une authentique comédie humaine, nous sommes contraints de constater aussi, avec lucidité et non sans un certain malaise que, dans notre univers humain, se joue éternellement une comédie moliéresque.  Les frontières du théâtre et de la vie, comme celles de la comédie de mœurs et de la comédie de caractère, sont abolies par Molière.

Une telle conception de la satire qui s'appuie à la fois sur la réalité et sur la vérité, soulève un nouveau problème et le résout en même temps :celui de l'action. Comment Molière procède-t-il pour révéler le spectateur à lui-même, dégonfler son orgueil, sa dignité et dénoncer sa manie de jouer un rôle ?  Est-ce en l'intéressant aux péripéties de l'action ou non ?

Puisqu'il veut avant tout offrir aux spectateurs un tableau d'époque, il est clair que l'action sera reléguée au deuxième plan. C'est même un lieu commun de dire que Molière a toujours dédaigné l'intrigue et qu'un dénouement intervient soudain dans ses pièces parce qu'on en est au dernier acte et qu'il faut bien en finir. Sauf peut-être dans le Dépit Amoureux et l'intrigue est psychologique , il n'y a pas d'intrigue au point de vue dramatique. Le drame psychologique, les problèmes de caractère psychologique, ne sont pas l'essentiel pour lui : la psychologie n'est même pas le ressort de l'action. Le seul rôle de l'intrigue est de servir à une démonstration, en apportant un dénouement édifiant. Le seul élément de drame est donc moral, comme chez La Fontaine. Il s'agit, par le dénouement, d'éclairer le spectateur sur un problème, et non seulement le spectateur, mais bien souvent aussi l'un des personnages de la pièce. L'action pourrait se ramener souvent à une simple question : dans le Tartuffe, Orgon comprendra-t-il enfin ? Dans les Femmes savantes, Philaminte comprendra-t-elle enfin ?. Il y a d'ailleurs des incorrigibles, dans cet univers, comme Dom Juan, Monsieur Jourdain, ou Harpagon. Mais dans ce cas, le spectateur, lui, a compris : Dom Juan offre l'exemple immoral de 'obstonation, Jourdain, l'exemple ridicule de cette même obstination.
L'action dans le Misanthrope, n'est pas dans l'affaire du sonnet, ni dans celle du procès, ni même dans le choix imposé par ses prétendants à Célimène. Elle est bien plutôt dans les efforts d'Alceste pour arracher Célimène à la mondanité. Au dénouement, Alceste comprend enfin que Célimène est une mondaine, qu'elle n'est pas faite pour lui, ni lui pour elle : " Et mon cœur maintenant vous déteste ". A  l'acte V c'est moins entre Alceste et les autres que Célimène doit choisir, qu'entre le Monde et la Solitude.  Elle accepte bien d'épouser Alceste, car c'est tout de même lui qu'elle préfère, mais non pas de le suivre. Ce n'est pas un problème de sentiment qui est posé, mais un problème de morale : la Vertu et le Siècle sont-ils ou non des inconciliables ? Et le seul dénouement possible est dans la fuite d'Alceste au désert.
La comédie ainsi conçue rejoint la tradition des moralités, mais avec une ampleur et une portée qui touchent à la philosophie, et qui finissent même par placer la comédie en marge de la morale. Cette conception de l'action nous conduit donc à un dernier problème : celui du but de la comédie.

" Rectifier et adoucir les passions des hommes ", tel est le but précisé par Molière dans la préface du Tartuffe; mais est-il pour cela un moraliste ?
Marmontel parle fort justement du " coup d'
œil philosophe " de Molière. Ce théâtre en effet, n'a pas de but moral à proprement parler, et malgré les dénouements qui, moralement parlant, finissent bien, comme dans le Tartuffe, ce n'est pas à une démonstration morale que les spectateurs sont conviés, mais à une méditation pure. Molière fait ici figure de contemplateur: il paraît se plaire, installé en marge de la société, à la contempler, à juger et à jauger les hommes. Arsitocrate de l'esprit, il nous livre ses méditations sur la nature et sur l'homme, mais sous la  forme d'un tableau, non d'un choix. Il oppose, dans le Misanthrope, les personnages d'Alceste et de Philinthe, les appelle tous deux des " philosophes ", mais ne conclut pas. Leurs  principes sont sans doute les mêmes, mais ils sont en désaccord sur la façon de les appliquer : Molière se garde de choisir et de conseiller. Même absence de choix d'ailleurs, quand on songe à la double présence des personnages qui finissent par comprendre ( les Précieuses, Philaminte, Arnolphe ) et ceux qui ne comprennent pas ( Harpagon, Dom Juan, et, en moins grave, Jourdain et le malade imaginaire ).
La satire cependant s'accommode de cette perspective : de même que le spectateur est implicitement invité à mettre en cause les vrais méchants, qui, dans le Misanthrope par exemple, ne sont pas en scène ( car nous ne voyons que les mondains , " qui sont aux méchants complaisants " ), de même le spectacle de la vie du temps nous amène à formuler un jugement de valeur,. Mais Molière ne fournit que le tableau : il nous montre le monde tel qu'il est, il ne nous endoctrine pas. Du spectacle qu'il nous offre se dégage seulement une sorte de scepticisme moral , qui le ferait exclure par Platon de sa République. Contemplant avec une lucidité sans illusions, avec un coup d'
œil sûr et sévère, il invite tous les spectateurs à en faire autant, à y voir clair en eux et autour d'eux. C'est ce qu'il appelle modestement "rectifier et adoucir les passions " : programme sans ambition, sans exigences, dégagé de toute prédication et de toute théorie morale, théâtre qui prêche non le bien mais la lucidité, premier pas vers une sagesse plutôt que vers une morale.
Nous avons tout à l'heure parlé de morale à propos des dénouements et de l'action, mais c'est d'une morale qui n'enseigne rien, moralement parlant.La vertu et le siècle sont inconciliables, Alceste se réfugie au désert...mais finalement que nous faut-il faire ?  Agir comme Philinte, comme Alceste, ou comme Célimène ? Molière ne nous l'indique pas. Le seul but qu'il se propose, c'est d'éclairer d'un jour cru l'universelle comédie humaine. L'invitation à cette contemplation philosophique est, si l'on veut, sa " morale " : voir lucidement le monde comme il est, nous voir chacun de nous comme nous sommes, essayer d'être chacun ce que l'on est. En ce sens, sa contemplation est un combat, car, au nom de la lucidité, il arrache à ses victimes les voiles de l'hypocrisie. Il naît au succès en peignant à Paris cette trahison de l'intelligence et du goût qu'est le romanesque précieux. Il poursuit en dénonçant tantôt celle de la piété ( Tartuffe ), tantôt celle du libertinage ( Dom Juan ), celle de la vertu ( Arsinoë ), celle de la culture ( Vadius et Trissotin ), et combien d'autres... Trahison aussi, que le désir exacerbé de vérité ( Alceste ), car ses fureurs violentent la vocation sociale de l'être humain. Il mourra devant son public parisien en croyant dénoncer seulement, dans le Malade Imaginaire, la trahison de la nature physique , mais ce spectacle tragique et inattendu ( ultime spectacle, ultime leçon ) apprendra bien plus aux spectateurs : que la vie elle-même est truquée, qu'elle n'est que le mensonge de la mort. Ainsi, le Destin apportait une brutale confirmation à son combat.

Conclusion : Cette étude rapide de la pensée dramatique de Molière nous a conduits, si l'on y réfléchit bien aux principes mêmes du classicisme. Certes on va répétant qu'il faut " instruire et plaire ", mais les auteurs classiques ont trop  le sens de l'autonomie de l'art pour soumettre celui-ci à la morale : il s'agit surtout de " bien définir et bien peindre ". L'auteur n'a pas la folle prétention de donner des conseils pour bien vivre; il est essentiellement un technicien qui monte un beau spectacle, qui brosse un impeccable tableau, qui règle une éblouissante parade. Cette fête de l'art à laquelle il nous convie, le spectateur pourra toujours la rapporter, s'il le veut, à l'échelle des valeurs morales du temps, pour en tirer quelque conclusion ou quelque enseignement.
Pour Molière, les chemins du Rire sont aussi ceux de la Sagesse, mais s'il nous contraint à rire, il nous invite seulement à penser. A nous et à nous seuls, de prendre rang parmi ceux qui comprennent, ou de demeurer au contraire parmi ceux qui ne comprendront jamais.

 

Le lys dans la vallée Balzac



 
 "Tous ses personnages, dira Baudelaire, sont doués de l'ardeur vitale dont il était animé lui-même. Toutes ses fictions sont  aussi profondément colorées que les rêves. "
La tendre Mme de Mortsauf, c'est la vertu incarnée; Rastignac, c'est la volonté de réussir...Là réside le vrai génie génie de Balzac : avoir fait accéder à travers ses personnages, les réalités quotidiennes du monde et de l'histoire à la dignité universelle d'une légende, non pas par l'arbitraire d'une simple mise en scène littéraire, mais par la qualité et la puissance d'un regard et d'une passion, nourris précisément des spectacles et des drames vécus dans le monde et dans l'histoire.



 
Le lys dans la vallée Balzac
 


"J'eus souvent le fouet pour mon étoile. Ne pouvant me confier à personne, je lui disais mes chagrins dans ce délicieux ramage intérieur par lequel un enfant bégaie ses premières idées, comme naguère il a bégayé ses premières paroles
Lors de ma première communion, je me jetai donc dans les mystérieuses profondeurs de la prière, séduit par les idées religieuses dont les fééries morales enchantent les jeunes esprits. Animé d'une ardente foi, je priais Dieu de renouveler en ma faveur les miracles fascinateurs que je lisais dans le Martyrologe. A cinq ans je m'envolais dans une étoile, à douze ans j'allais frapper aux portes du Sanctuaire. Mon extase fit éclore en moi des songes...
Ma mère fut impitoyable, son œil... me pétrifia, elle fulmina de terribles prophéties. " Que serais-je plus tard, si dès l'âge de 17 ans je faisais de semblables équipées ! Étais-je bien son fils ? Allais-je ruiner ma famille. Étais-je donc seul au logis ?
Le jour de sa fuite;  trois fois le hasard s'interposa fatalement entre l'enfer du Palais Royal et le paradis de ma jeunesse. Le jour où, me trouvant honteux à 20 ans de mon ignorance, je résolus d'affronter les périls...
Ce léger croquis d'une jeunesse, où vous devinez d'innombrables élégies, était nécessaire...
Je connaissais métaphysiquement la vie dans ses hauteurs au moment où j'allais apercevoir les difficultés tortueuses de ses défilés et les chemins sablonneux de ses plaines.
Je jouais la comédie... fils dénaturé... Je voulais mourir.
..Elle s'en alla par un mouvement de reine.
Ce dernier ennui me dégoûta de la fête. Il était impossible de sortir, je me réfugiai dans un coin, au bout d'une banquette abandonnée, où je restai les yeux fixes, immobile et boudeur.
Trompée par ma chétive apparence, une femme me prit pour un enfant prêt à s'endormir en attendant le bon plaisir de sa mère, et se posa près de moi par un mouvement d'oiseau qui s'abat sur son nid. Aussitôt je sentis un parfum de femme qui brilla dans mon âme comme y brilla depuis la poésie orientale. Je regardai ma voisine, et fus plus ébloui par elle que je ne l'avais été par la fête; elle devint toute ma fête. Si vous avez bien compris ma vie antérieure, vous devinerez les sentiments qui sourdirent en mon cœur. Mes yeux furent tout à coup frappés par de blanches épaules rebondies sur lesquelles j'aurais voulu pouvoir me rouler, des épaules légèrement rosées qui semblaient rougir comme si elles  se trouvaient nues pour la première fois, de pudiques épaules qui avaient une âme, et dont la peau satinée éclatait à la lumière comme un tissu de soie... "


Ce dernier ennui me dégoûta de la fête. Il était impossible de sortir, je me réfigiai dans un coin, au bout d'une banquette abandonnée, où je restai les yeux fixes, immobile et boudeur.
Trompée par ma chétive apparence, une femme me prit pour un enfant prêt à s'endormir en attendant le bon plaisir de sa mère, et se posa près de moi par un mouvement d'oiseau qui s'abat sur son nid. Aussitôt je sentis un parfum de femme qui brilla dans mon âme  comme y brilla depuis la poésie orientale. Je regardai ma voisine, et fus plus ébloui par elle que je ne l'avais été par la fête; elle devint toute ma fête. Si vous avez bien compris ma vie antérieure, vous devinerez les entiments qui sourdirent en mon coeur. Mes yeux furent tout à coup frappés par de blanches épaules rebodies sur lesquelles j'aurais voulu pouvoir me rouler, des épaules légèrement rosées qui semblaient rougir comme si elles se trouvaient nues pour la première fois, de pudiques épaules qui avaient une âme, et dont la peau satinée éclatait à la lumière comme un tissu de soie...
Le brillant des cheveux lissés au-dessus d'un cou velouté comme celui d'une petite fille, les lignes blanches que le peigne y avait dessinées et où mon imagination courut comme en de frais sentiers, tout me fit perdre l'esprit. Après m'être assuré que personne ne me voyait, je me plongeai dans ce dos comme un enfant qui se jette dans le sein de sa mère, et je baisai toutes ces épaules en y roulant ma tête. Cette femme poussa un cri perçant, que la musique empêcha d'entendre; elle se retourna, me vit et me dit : " Monsieur ? "

Ah ! si elle avait dit : " Mon petit bonhomme, qu'est-ce qui vous prend donc ? " je l'aurais tuée peut-être; mais à ce " Monsieur ! " des larmes chaudes jaillirent de mes yeux. Je fus pétrifié par un regard animé d'une sainte colère, par une tête sublime couronnée d'un diadème de cheveux cendrés, en harmonie avec ce dos d'amour. Le pourpre de la pudeur offensée étincela sur son visage, que désarmait déjà le pardon de la femme qui comprend une frénésie quand elle en est le principe, et devine des adorations infinies dans les larmes du repentir. Elle s'en alla par un mouvement de reine. Je sentis alors le ridicule de ma position; alors seulement je compris que j'étais fagoté comme le singe d'un savoyard. J'eus honte de moi. Je restai tout hébété, savourant la pomme que je venais de voler, gardant sur mes lèvres la chaleur de ce sang que j'avais aspiré, ne me repentant de rien, et suivant du regard cette femme descendue des cieux.

Là se découvre une vallée qui commence à Montbazon, finit à la Loire, et semble bondir sous les châteaux posés sur ces double collines; une magnifique coupe d'émeraude au fond de laquelle l'Indre se roule par des mouvements de serpent. A cet aspect, je fus saisi d'un étonnement voluptueux que l'ennui des landes ou la fatigue du chemin avait préparé.

" Si cette femme, la fleur de son sexe, habite un lieu dans le monde, ce lieu, le voici. "

A cette pensée, je m'appuyai contre un noyer sous lequel, depuis ce jour, je me repose toutes les fois que je reviens dans ma chère vallée. Sous cet arbre confident de mes pensées, je m'interroge sur les changements que j'ai subis pendant le temps qui s'est écoulé depuis le dernier jour où j'en suis parti. Elle demeurait là, mon coeur ne me trompait point : le premier castel que je vis au penchant d'une lande était son habitation. Quand je m'assis sous mon noyer, le soleil de midi faisait pétiller les ardoises de son toit et les vitres de ses fenêtres. Sa robe de percale produisait le point blanc que je remarquai dans  ses vignes sous un hallebergier. ( abricotier ). Elle était, comme vous le savez déjà, sans rien savoir encore, le lys de cette vallée où elle croissait pour le ciel, en la remplissant du parfum de ses vertus. L'amour infini sans autre aliment qu'un objet à peine entrevu dont mon âme était remplie, je le trouvai exprimé par ce long ruban d'eau qui ruisselle au soleil entre deux rives vertes, par ces lignes de peupliers qui parent de leurs dentelles mobiles ce val d'amour, par les bois de chênes qui s'avancent entre les vignobles sur des côteaux que la rivière arrondit toujours différemment, et par ces horizons estompés qui fuient en se contrariant. Si vous voulez voir la nature belle et  vierge comme une fiancée, allez là par un jour de printemps; si vous voulez calmer les plaies saignantes de votre coeur, revenez-y par les derniers jours de l'automne; au printemps, l'amour y bat des ailes à plein ciel, en automne, on y songe à ceux qui ne sont plus. Le poumon malade y respire une bienfaisante fraîcheur, la vue s'y repose sur des touffes dorées qui communiquent à l'âme leurs paisibles douceurs. En ce moment, les moulins situés sur les chutes de l'Indre donnaient une voix à cette vallée frémissante, les peupliers se balançaient en riant, pas un nuage au ciel, les oiseaux chantaient, les cigales criaient, tout y était mélodie.



Les deux femmes

Une fois dans la capitale Félix s'éprend d'une riche et perverse marquise anglaise Lady Arabelle Dudley. Partagé entre le souvenir de sa passion pure et cette liaison sensuelle, le jeune homme ne peut se résoudre au sacrifice de l'une ou de l'autre; il va perdre les deux... Ayant eu vent de cette " infidélité", Henriette reçoit d'abord fraîchement Félix lors d'un séjour à Clochegourde puis, désespérée, se laisse mourir de faim et de soif... vertueuse, après un bouleversant combat intérieur et un ultime mais trop tardif retour de son amant. Quant à Lady Dudley, blessée d'avoir été finalement abandonnée sans un mot, elle quitte pareillement Félix. Celui-ci, par une lettre qu'Henriette lui a laissée en mourant, apprend que son " lys " l'a aimé charnellement depuis leur premier " coup de foudre " et que toute sa vie a été dominée par le " fantôme " de cette passion refoulée. Rentré à Paris, le jeune homme rencontre peu après Nathalie de Manerville, dont il s'éprend et à l'intention de laquelle il achève ce récit.
Dans une spirituelle réponse épistolaire, Nathalie se déclare incapable de rivaliser avec le souvenir des deux femmes d'exception qui ont habité la vie de Félix et lui rend sa liberté en lui prodiguant un ultime conseil : ne plus faire de telles confidences à une quatrième femme qui l'aimera et qui, elle, ne saurait lutter contre " trois ombres ".




Les personnages 


Félix de Vandenesse : fils cadet mal-aimé d'une vieille famille de Touraine. Il raconte ici à sa maîtresse Nathalie de Manerville sa double passion pour la pureté d'Henriette de Mortsauf et la sensualité de Lady Dudley; il réapparaîtra comme personnage central dans " une fille d'Ève " où il sauvera l'honneur de sa femme Marie-Angélique de Granville compromise,  à l'initiative de Lady Dudley, jalouse, par l'écrivain Nathan.

Mme de Mortsauf : née Blanche, Henriette de lénoncourt. Dévouée et vertueuse, elle sacrifie jusqu'à la mort, à son mari et à ses enfants malades, sa passion pour Félix. Champs lexicaux et sémantiques autour de sa personne : Clochegourde, l'esprit, la spiritualité, l'infini du cœur, l'univers, la continence, l'épouse de l'âme, amour divin, j'adorais, le matin, le remords...

M. de Mortsauf : vieil aristocrate victime de l'émigration. Maladif et violent, il fait mener à son épouse une vie de " martyre ".

Jacques et Madeleine :
  fils et fille de M. et Mme de Mortsauf. madeleine réapparaîtra à plusieurs reprises dans la " comédie humaine " comme duchesse de Lénoncourt.

Lady Arabelle Dudley : superbe représentante de la " gentry " britannique, vivant à Paris loin de son mari et de ses enfants; elle éprouve pour Félix une passion sensuelle et jalouse et cherchera plus tard, après leur rupture, à compromettre sa femme ( une fille d'Ève  ). Champs lexicaux et sémantiques autour de sa personne : Paris, la matière, les voluptés, le sexe, la prodigalité, la maîtresse du corps, amour charnel,  la nuit, j'aimais, le bonheur...

M. et Mme de Lenoncourt : parents d'Henriette, issus de deux vieilles familles aristocratiques .

M. et Mme de Listomère :
marquise, grand-tante de Félix de Vandenesse.

Mme de Verneuil : duchesse, tante bien-aimée d'Henriette pour qui elle fut une " mère adoptive " et qui lui offrit Clochegourde à son mariage.

Mme de Chessel : née propriétaire du château de Frapesle situé en face de Clochegourde.



Une grande page d'histoire

 Roman d'amour et roman historique se situant dans la société française de 1789 à 1824 : Dévastations causées par la Révolution dans certains milieux, vente des biens nationaux, fortunes immenses édifiées par certains, un complot Royaliste, l'armée de Condé, les mariages d'intérêt pour reconstituer des fortunes, oppositions entre ceux qui croient encore aux valeurs  du passé,
mais sont devenus pauvres ou modestes, et les parvenus ambitieux qui étalent leur luxe et s'offrent de fausses particules de noblesse devant leur nom. Opposition entre la vie à Paris et la vie en Province. Époque de la Restauration, retour des bourbons et société qui bascule de nouveau. Influence de Rousseau et du contrat social. Débarquement de Napoléon de retour de l'île d'Elbe, la défaite de Waterloo. La théorie des devoirs : " ne se rien permettre ni contre sa conscience ni contre la conscience publique ".

 
 Figures de l'aristocratie

De grandes manières, de la hauteur parfois, de l'ambition.

Les Mortsauf : retirés à Clochegourde mènent une vie simple mais avec tout de même un certain prestige. Promenades en calèche, parties de trictrac, tapisserie,  visites aux  voisins repas et messe. Bonne éducation offerte, surtout au fils, avec précepteur, équitation enseignée par le père et efforts pour l'éloigner de la corruption. Faire apprendre la politesse, l'authentique et non la " grimace sociale ", la modestie, , la discrétion et la " réserve ", la noblesse en " toute chose " Fêtes rustiques des vendanges, récolte des marrons et des noix, exploitation de la terre sans l'épuiser par l'alternance des cultures.


Morale de Mme de Mortsauf : " Ne soyez le vassal d'aucune âme, ne relevez que de vous-même...Mais si vous parveniez à la sphère où se meuvent les grands hommes, vous serez comme Dieu, seul juge de vos résolutions. Vous ne serez plus alors un homme, vous serez la loi vivante; vous ne serez plus un individu, vous vous serez incarné la nation." " J'arrive à la question grave, votre conduite auprès des femmes ".  Phrase qui va provoquer l'ironie et l'agacement de Félix. " Que cette femme soit donc pour vous le monde entier... les servir toutes, n'en aimer qu'une... "

Ascension sociale et maturation psychologique du jeune héros. A Paris  " Tout m'avait transformé " mais il " volait comme une hirondelle en Touraine ". Son " éducation avait été achevée par les femmes les plus gracieuses ".
.

Temps cyclique des saisons et des gens : " Comme notre vallée d'amour, Henriette avait eu son hiver, elle renaissait comme elle au printemps. " Une femme qui revit sous l'œil de l'être aimé ". " Répétez-moi que  je suis  plus que jamais Henriette  pour vous. " " de quel moi parlez-vous ? Je sens bien des moi en moi. " " Le tableau de ce moribond, entre deux  enfants toujours malingres, et sa femme pâlie " génère un " spleen moral. " qui confine au " dégoût de la vie ".



L'ange et l'idole, l'Orient et l'Occident

Typologie des passions, des contrastes : la douce  Française mystique, la  passionnée anglaise érotique...L'ange : Tous deux s'initient aux plaisir du raffinement, des mots à double sens, des bouquets symboliques, aux situations ambigües. L'idole, la passion " Africaine " : Arabelle, il va la vénérer. Elle va très vite transformer le séducteur timide ou plutôt frustré. " Ma résistance aiguisa sa passion. Plus je me renfermais dans un froid dédain, plus Lady Dudley se passionnait. " Elle le met à l'épreuve : " Votre amie toujours, votre maîtresse quand vous le voudrez ! " Elle fait même une intrusion osée chez lui. " Elle voulait du poivre, du piment pour la pâture du cœur ". " Arabelle essayait de la  ( Henriette ) tuer dans mon âme " " semblable à la lionne " Caïn où est Abel ? ". Métaphores insolites, deux passions inconciliables. " J'aimais un ange et un démon; deux femmes également belles. "
" Aussitôt je sentis un parfum de femme qui brilla dans mon âmes comme y brilla depuis la poésie orientale.



Champs lexicaux et sémantiques



La mort d'une sainte : " Je veux être l'étoile et le sanctuaire " a-t-elle dit

" corps annulé, cendres de mes lettres... " Purifiée par l'esprit qui triomphe ". Son dernier regard fut pour Félix mais elle " mourut aux yeux de tous ". Réaction de Félix : " Je résolus de m'élancer vers la politique et la science, dans les sentiers tortueux de l'ambition... d'ôter la femme de ma vie... "
. Le combat de l'esprit et du corps...

Lettre bilan d'Henriette

" Vous avez été la cause principale de mes maux... Je meurs atteinte par vous. "

Testament

" Je veux être aimée par vous dans les miens " Il est donc convié à devenir sœur, mère, époux... pour les siens.



 
Importance de La Pléiade dans l'histoire de la littérature
 

L'activité des poètes de la Pléiade est caractérisée par la publication, parallèlement à celle des œuvres, d'un certain nombre de textes : " Défense et illustration de la langue française, l'abrégé de l'art poétique, l'olive  ".
Ces commentaires furent accompagnés d'œuvres valables qui confirmèrent les théories.
Leurs théories et leurs œuvres correspondent à une prise de conscience esthétique.  Depuis lors sont nés d'autres ouvrages dans la lignée de ces poètes, " L'art poétique " de Boileau, " la critique de l'école des femmes " de Molière jusqu'aux articles de Baudelaire sur l'art, aux manifestes des Surréalistes. Désormais les créateurs s'arrêteront de créer pour réfléchir parfois sur la création. Ils ont révélé aussi les œuvres de l'antiquité. et communiqué la notion de beauté littéraire. Si le Moyen âge connaissait Sénèque, Virgile, Ovide, Aristote, les jeunes poètes de la Pléiade ont révélé une civilisation oubliée et en particulier un humanisme dont la sagesse était indépendante de la théologie. Les jeunes poètes se sont étonnés que les œuvres des anciens aient pu survivre au temps, aux bouleversements des civilisations, des mœurs et ils attribuent ce succès à la perfection des textes. Ils s'interrogent alors sur les conditions de cette beauté. A-t-elle ses lois ?
Nul encore n'avait pensé que l'art pût être le fruit d'autre chose que du don, de la facilité d'expression, de l'aptitude individuelle à jouer avec des mots. L'art passait plus ou moins au Moyen
Âge, pour un jeu. Les poètes de la Pléiade, prenant contact avec les chefs-d'œuvre de la poésie grecque et latine, avec Pétrarque et les poètes italiens de la Renaissance, réalisent soudain que l'on peut expliquer la Beauté dans l'écriture.
Il ne suffit pas d'être doué pour créer un chef d'œuvre, il faut aussi lire, apprendre, suivre des modèles et obéir à des lois universelles.
La Pléiade en somme fait accomplir à l'art littéraire un pas capital : se détachant des exercices du Moyen Âge où l'inspiration individuelle dominait, s'éloignant des exercices de rhétorique, il cherche une prise de conscience.
L'importance de ces réflexions est manifeste aussi en poésie.


Importance de La Pléiade pour la poésie

En effet elle va fixer une conception de cet art.
Du Bellay le premier va comprendre l'importance de la notion de genre littéraire. La " deffense et illustration " va critiquer rondeaux et ballades... L'inspiration ne vaut que par le moule dans lequel on la coule. C'est un paradoxe esthétique. La médiocrité de la poésie de l'époque tient à la mièvrerie de ces cadres poétiques moyenâgeux. Par contre, l'ode, le sonnet...ont soutenu l'inspiration d'Ovide, Horace ou Pétrarque...L'habit, la silhouette, la parure du poème créeraient la beauté.
Les cadres anciens apportent avec leurs contraintes techniques particulières, l'exemple de réussites nombreuses.
La " deffense et illustration " ne conseille pas seulement aux futurs poètes d'user d'une langue plus riche, mais de créer une langue propre et particulière à la poésie.. On conçoit désormais que la poésie ne consiste pas seulement à versifier de la prose, mais doit posséder une langue bien à elle et riche comme celle d'Homère ou de Virgile.
Ronsard a cherché toutes les combinaisons possibles, depuis la strophe de 20 vers jusqu'à la stance de deux. Il écrit des vers de toutes les mesures, même de 11 et de 9 syllabes, utilise tous les systèmes d'alternance... C'est à lui et à ses amis que l'alexandrin doit d'avoir été remis en honneur aux siècles suivants.


 
Importance du point de vue de l'histoire littéraire


La Pléïade a résolu les questions que devaient se poser plus tard les écoles littéraires. Le principe de l'imitation des anciens est resté l'un des fondements essentiels chez les classiques. Pour eux, si le but de l'art est d'imiter la nature, celle-ci ne saurait être imitée directement, on ne peut la saisir que par le travail préalables des anciens, par leurs choix, leurs compositions, l'héritage qu'ils ont transmis à notre compréhension.
Le souci de l'art affirmé par la Pléïade alimentera aussi les tentatives classiques, et c'est bien à Ronsard et à ses amis que les poètes du 17 e siècle devront la mise au point du vers, la préparation de cet " instrument " comme dit Sainte Beuve, dont Corneille devait tirer des accords sublimes, et Racine des accords harmonieux ".
Après La Pléïade, le poète a retrouvé sa grandeur, sa dignité, il n'est plus un amuseur frivole, mais un inspiré. Le poète-mage dont Hugo posera l'idéal au 19 e dans " fonctions d'un poète ", rejoindra l'idéal de la Pléïade.
Par contre, en mettant l'accent sur la nécessité du travail, sur les considérations techniques : la langue, la syntaxe, la versification, ces poètes ouvrent aussi la voie aux œuvres trop formelles et postérieures d'un Banville par exemple.
Trois siècles plus tard, les poètes restaureront certaines richesses perdues en faisant revivre des mots tombés en désuétude après La Pléiade.
"
Ah, mon cher enfant, disait Gautier à l'un de ses gendres, si nous avions seulement autant de piastres que j'ai reconquis de mots sur leur Malherbe...! Je me suis lancé à la conquête des adjectifs. j'en ai déterré de charmants et d'admirables dont on ne pourra plus se passer. J'ai fourragé à pleines mains dans le 16 e siècle. "
Hugo lui-même en réalité n'a inventé qu'un rythme, celui de 12 vers où les 8 derniers forment des groupes de 3 rimes féminines suivis chacun d'une rime masculine. Tous les autres sont repris aux poètes du 16
e siècle.
La Pléïade, enfin, a aperçu toute l'ambiguïté de la notion de travail poétique. Elle a insisté à la fois sur le rôle essentiel de l'inspiration, tendant ainsi à atténuer l'usage et le contrôle de la raison dans l'exercice de la poésie. Les poètes postérieurs se sont heurtés, à leur tour, à ce problème. 
Enfin, en isolant la faculté poétique et en la plaçant au plus haut rang, La Pléïade ouvrait le chemin à Baudelaire et aux surréalistes. Précisons qu'il n'est pas question de comparer les œuvres, mais les réflexions doctrinales. La Pléïade a pressenti la faculté de la création poétique en elle-même.

Vis-à-vis de l'histoire littéraire donc, l'importance et la grandeur de Ronsard et de ses amis est d'avoir posé les fondements de la réflexion théorique et d'avoir aperçu, en même temps, la plupart des problèmes essentiels que posait et que devait poser à l'avenir la création littéraire.

Conclusion :


On est en droit de reconnaître à La Pléïade une double importance. Celle d'avoir enrichi la poésie française d'œuvres de valeur. Et grâce à leurs réflexions ils ont donné à la poésie des moyens et des devoirs. Mais ils n'ont pas résolu le problème de la faculté de certains à créer avec harmonie.

Voltaire jugé par Mme de Staël

 " Il semble écrit par un être d'une autre nature que nous, indifférent à notre sort, content de nos souffrances et riant comme un démon, ou comme un singe des misères de cette espèce humaine avec laquelle il n'a rien de commun ".

Formée dans sa jeunesse par les œuvres de Voltaire et par les Encyclopédies, par ceux aussi qui fréquentaient le salon de sa mère, Mme Necker, Mme de Staël s'éloigne peu à peu de la philosophie du XVIII e siècle, trop rationaliste et matérialiste, pour satisfaire ses aspirations. L'expérience de la Révolution, le contact avec la littérature allemande la détournent de l'esprit voltairien. En particulier de Candide, le chef d'œuvre des contes suscite sa réprobation pour sa gaîté infernale.Alors que la douceur de vivre et le progrès matériel engourdissent les consciences, Voltaire dévoile l'envers du décor : la nature détruit les hommes comme des fourmis, et les hommes eux-mêmes poussés par l'ambition et le fanatisme s'exterminent entre eux. Cette constatation amère ne le conduit pas vers le pessimisme mais le met en garde. Déjà dans Zadig ( 1748 ), transposant ses vicissitudes personnelles, il a raillé les rois et leurs courtisans. Dans Candide, les malheurs de la condition humaine sont exposés d'une façon générale. La gravité du poème sur le désastres de Lisbonne prouve la sincérité de Voltaire et son émotion. S'il raille dans Candide, c'est que la réussite des contes antérieurs l'a instruit sur l'efficacité du rire.

D'ailleurs la conclusion de Candide n'est pas négative. Entre l'optimisme et le pessimisme relatif de Candide, Voltaire a sans cesse oscillé, mais il n'a jamais hésité à préférer l'action aux disputes théoriques. C'est le conseil essentiel du conte. Aussi le conseil du Turc : " Le travail éloigne de nous trois grands maux: l'ennui, le vice et le besoin ", n'est pas une boutade, mais la morale même de Voltaire. N'écrit-il pas à un mai : " J'ai toujours regardé le travail comme la plus grande consolation du monde pour les malheurs inséparables de la condition humaine ".V

Verlaine

Poèmes saturniens ( 1866 )

Comme un vol criard //  d'oiseaux en émoi,
Tous mes souvenirs s'abattent sur moi,
S'abattent // parmi le feuillage jaune
De mon cœur mirant son tronc plié d'aune
Au tain vi
/olet /de l'eau des Regrets ( allégorie )
Qui // mélancoliquement // coule  auprès, ( hiatus )
S'abattent, // et puis 
/ la rumeur mauvaise
Qu'une brise moite en montant apaise,
S'éteint // par degrés / dans l'arbre,// si bien
Qu'au bout d'un instant on n'entend plus rien,
( anaphore ) Plus rien que la voix célébrant l'Absente
( allégorie )
Plus rien que la voix - ô si languissante ! -
De l'oiseau qui fut mon Premier Amour, ( majuscule ) ( noter les temps )
Et qui chante encore comme au premier jour;
Et dans la splendeur triste d'une lune ( enjambement )
Se levant blafarde et solennelle, une ( enjambement )
Nuit mélancolique et lourde d'été,
Pleine de silence et d'obscurité,
Berce sur l'azur qu'un vent doux effleure ( douceur des sons )
( hiver ) L'arbre qui frissonne et l'oiseau qui pleure. ( symétrie + noter le présent )

" De la musique avant toute chose ..."

Comme un vol criard... allitération

émoi = son doux opposé au hiatus dur de " criard "

S'abattent : répété = poète écrasé

Jaune = automne

Plié = rappelle Hugo " Demain dès l'aube " = pour la mort de sa fille = courbé

Le feuillage jaune... De mon cœur : rejet

vi/olet : diérèse

aune = mesure = peut-être aulne ???

L'eau des Regrets = allégorie

Oiseau = Premier Amour

Cœur humain et cœur de l'arbre

Tain violet = peut-être étain + mercure = eau des marécages ???

Rimbaud : Le dormeur du val

Petit tableau en marge de la guerre où s'opposent la vie et la mort. Tout le début respire la vie, tout semble joyeux. Rimbaud voit dans la nature une mère qui accueille tendrement le jeune soldat. C'est en opposant apparence et réalité qu'il fera naître l'émotion. Certains détails cependant paraissent inquiétants : la pâleur du personnage, son insensibilité aux parfums. Il a l'air malade, il a froid et pourquoi tient-il la mains sur sa poitrine ?

Les portraits de La Bruyère ( les caractères )

Acis

Que dîtes-vous ? comment ? Je n'y suis pas; vous plarait-il de recommencer ? J'y suis encore moins. Je devine enfin : vous voulez, Acis, me dire qu'il fait froid : que ne disiez-vous : " Il fait froid " ? Vous voulez m'apprendre qu'il pleut ou qu'il neige; dites : " Il pleut, il neige. " Vous me trouvez bon visage et vous désirez m'en féliciter; dites : " Je vous trouve bon visage ". - Mais, répondez-vous cela est bien uni ( plat, banal ) et bien clair; et d'ailleurs, qui ne pourrait pas en dire autant ? " Qu'importe Acis ? Est-ce un si grand mal d'être entendu quand on parle, et de parler comme tout le monde ? Une chose vous manque Acis, à vous et à vos semblables, les diseurs de phébus : ( langage obscur ); vous ne vous en défiez( doutez )  point, et je vais vous jeter dans l'étonnement : Une chose vous manque, c'est l'esprit. Ce n'est pas tout : il y a en vous une chose de trop, qui est l'opinion d'en avoir plus que les autres; voilà la source de votre pompeux galimatias, de vos phrases embrouillées, et de vos grands mots qui ne signifient rien.

Arrias

Arrias a tout lu, atout vu, il veut le persuader ainsi; c'est un homme universel, et il se donne pour tel : il aime mieux mentir que de se taire ou de paraître ignorer quelque chose. on parle, à la table d'un grand, d'une cour du nord : il prend la parole, et l'ôte à ceux qui allaient dire ce qu'ils en savent; il s'oriente dans cette région lointaine comme s'il en était originaire; il discourt des moeurs de cette cour, des femmes du pays, de ses lois et de ses coutumes : il récite des historiettes qui y sont arrivées ; se hasarde de le contredire, et lui prouve nettement qu'il dit des choses qui ne sont pas vraies. Arrias ne se trouble point, prend feu au contraire contre l'interrupteur. " Je n'avance, lui dit-il, je ne raconte rien que je ne sache d'original : je l'ai appris de Séthon, ambassadeur de France dans cette cour, revenu à Paris depuis quelques jours, que je connais familièrement, que j'ai fort interrogé, et qui ne m'a caché aucune circonstance. " Il reprenait le fil de sa narration avec plus de confiance qu'il ne l'avait commencée, lorsque l'un des conviés lui dit : " C'est Séthon à qui vous parlez, lui-même, et qui arrive de son ambassade.

Diphile ou l'Amateur d'oiseaux

Diphile commence par un oiseau et finit par mille : sa maison n'en est pas egayée mais empestée : la cour, la salle, l'escalier, le vestibule, les chambres, le cabinet ( pièce réservée à l'étude ), tout est volière; ce n'est plus un ramage, c'est un vacarme; les vents d'automne et les eaux dans les plus grandes crues ne font pas un cri si perçant et si aigu, on ne s'entend pas plus parler les uns les autres que dans ces chambres où il faut attendre pour faire le compliment d'entrée, que les petits chiens aient aboyé : ce n'est plus pour Diphile un agréable amusement, c'est une affaire laborieuse et à laquelle à peine il peut suffire; il passe les jours, ces jours qui échappent et ne revinnent plus, à verser du grain et à nettoyer des ordures : il donne pension à un homme qui n'a point d'autre ministère que de siffler des serins au flogeolet ( petite flûte à bec ), et de faire couver ses canaries : il est vrai que ce qu'il dépense d'un côté, il l'épargne de l'autre, car ses enfants sont sans maîtres et sans éducation; il se renferme le soir, fatigué de son propre plaisir, sans pouvoir juoir du moindre repos que ses oiseaux ne reposent, et que ce petit peuple, qu'il n'aime que parce qu'il chante, ne cesse de chanter. Il retrouve ses oiseaux dans son sommeil; lui-même il est oiseau, il est huppé, il gazouille, il perche; il rêve la nuit qu'il mue ou qu'il couve.

Giton

Giton a le teint fris, le visage plein et les joues pendantes, l'oeil fixe et assuré, les épaules larges, l'estomac haut, la démarche ferme et délibérée. Il parle avec confiance, il fait répéter celui qui l'entretient et il ne goûte que médiocrement tous ce qu'il lui dit. Il déploie un ample mouchoir et se mouche avec grand bruit; il crache fort loin et il éternue fort haut. Il dort le jour, il dort la nuit, et profondément; il ronfle en compagnie. Il occupe à tabble et à la promenade plus de place qu'un autre. Il tient le milieu en se promenant avec ses égaux; il s'arrête et l'on s'arrête, il continue de marcher et l'on marche; tous se règlent sur lui. Il interrompt, il redresse ceux qui ont la parole : on ne l'interrompt pas, on l'écoute aussi longtemps qu'il veut parler; on est de son avis, on croit les nouvelles qu'il débite. S'il s'assied, vous le voyez s'enfoncer dans un fauteuil, croiser les jambes l'une sur l'autre, froncer le soucil, abaisser son chapeau sur ses yeux pour ne voir personne, ou le relever ensuite, et découvrir son front par fierté et par audace. Il est enjoué, grand rieur, impatient, présomptueux, colère, libertin, politique, mystérieux sur les affaires du temps; il se voit des talents et de l'esprit. Il est riche.

Mademoiselle de Percy

Leur amie, robustement et rébarbativement laide, avait résisté. Solide de laideur, elle avait reçu le soufflet " d'alipan " du Temps, comme elle disait, sur un bronze que rien ne pouvait entamer. Même la mise inouïe dans laquelle elle encadrait sa laideur bizarre n'en augmentait pas de beaucoup l'effet, tant l'effet en était frappant. coiffée habituellement d'une espèce de baril de soie orange et violette, qui aurait défié par sa forme la plus audacieuse fantaisie et qu'elle fabriquait de ses propres mans, cette contemporaine de Mlles de Touffedelys  ressemblait, avec son nez recourbé comme un sabre oriental dans son foureau grenu de maroquin rouge, à la teine de Saba, interprétée par un Callot chinois, surexcité par l'opium. cette femme avait un grotesque si supérieur qu'on l'eût remarquée même en Angleterre, ce pays de grotesques, où le spleen, l'excentricité, la richesse et le gin travaillent perpétuellement à faire un carnaval de figures auprès desquelles les masques du carnaval de Venise ne seraient que du carton vulgairement badigeonné.
Comme il est des couleurs d'un tel ruissellement de lumière qu'elles éteignent toutes celles que l'on place à côté, l'amie de M
lles de Touffedelys, pavoisée comme un vaisseau barbaresque des plus éclatants chiffons déterrés dans la gard-robe de sa grand-mère, éteignait, effaçait les physionomies les plus originales par la sienne.



Barbey d'Aurevilly, ( Le chevalier des touches )


Date de création : 07/11/2009 . 20:26
Dernière modification : 18/01/2014 . 13:07
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