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La culture littéraire

La culture littéraire ( Extraits )
J. Lemaitre : Il y a des pièces qui " marquent une date ", et qui ne sont point bien belles. Par contre, il y a des chefs d'œuvre qui ne marquent aucune date. Et quant à ceux qui semblaient en marquer une, on finit toujours par découvrir que ce qu'ils offraient de neuf, forme ou fond, était déjà pour le moins ébauché dans quelque médiocre ouvrage antérieur. cela signifie que l'on peut, sans nul génie, s'aviser de quelque chose de nouveau, et que, même en art et en littérature, les " nouveautés " flottent, pour ainsi parler, dans l'esprit des contemporains intelligents avant de se réaliser dans un chef d'œuvre.

Boileau : Il faut songer au jugement que toute la postérité fera de nos écrits.
Il n'y a en effet que la postérité qui puisse établir le vrai mérite des ouvrages. De faux brillants, un tour d'esprit qui était à la mode peuvent les avoir fait valoir; dans le siècle suivant, on méprisera ce que l'on a admiré. Nous en avons un bel exemple dans Ronsard et dans ses imitateurs comme Du Bellay, du Bartas, Desportes, qui dans le siècle précédent ont été l'admiration de tout le monde, et qui aujourd'hui ne trouvent pas même de lecteurs.
Il n'y a qu'une longue suie d'années qui puisse établir la valeur et le vrai mérite d'un ouvrage.
Il n'est plus question, à l'heure qu'il est, de savoir si Homère, Platon, Cicéron, Virgile, sont des hommes merveilleux.
Il faudrait connaître la langue de ces auteurs, car si on ne la connaît point on ne peut point voir les beautés d'une œuvre. On ne peut pas faire le procès d'un auteur sur les erreurs de ses traducteurs.
Puisque c'est la postérité seule qui met le véritable prix aux ouvrages, il ne faut pas, quelque admirable que vous paraisse un écrivain moderne, le mettre aisément en parallèle avec ces écrivains admirés durant un si grand nombre de siècles, puisqu'il n'est pas même sûr que ses ouvrages passent avec gloire au siècle suivant. En effet, sans aller chercher des exemples éloignés, combien n'avons-nous point vu d'auteurs admirés dans notre siècle, dont la gloire est déchue en très peu d'années ! dans quelle estime n'ont point été, il y a longtemps déjà, les ouvrages de Balzac ! on ne parlait pas de lui simplement comme du plus éloquent homme de son siècle, mais comme du seul éloquent. Il a effectivement des qualités merveilleuses. On peut dire que jamais personne n'a mieux su sa langue que lui, et n'a mieux entendu la propriété des mots et la juste mesure des périodes : c'est une louange que tout le monde lui donne encore. Mais on s'est aperçu tout d'un coup que l'art où il s'est employé toute sa vie était l'art qu'il savait le moins, je veux dire l'art de faire une lettre; ... on y remarque partout les deux vices les plus opposés au genre épistolaire, c'est à savoir l'affectation et l'enflure et on ne peut plus lui pardonner ce soin vicieux qu'il a de dire toutes choses autrement que ne le disent les autres hommes. De sorte que tous les jours on rétorque contre lui ce même vers que Maynard a fait autrefois à sa louange :
" Il n'est point de mortel qui parle comme lui. "

Corneille est celui de nos poètes qui a fait le plus d' éclat en son temps. Tout son mérite pourtant se réduit à huit ou neuf pièces de théâtre qu'on admire. Encore dans ce petit nombre de bonnes pièces, outre les fautes de langue qui y sont assez fréquentes, on commence à s'apercevoir de beaucoup d'endroits de déclamation qu'on n'y voyait point autrefois. On ne trouve point mauvais qu'on lui compare aujourd'hui M. Racine.
Je n'admets dans les hauts rang qu'un petit nombre d'écrivains dont le nom seul fait éloge : Homère, Platon, Cicéron, Virgile...Beaucoup de gens, mal à propos croient qu'on ne loue les anciens que parce qu'ils sont anciens. Il y a beaucoup d'anciens qu'on n'admire point, et beaucoup de modernes que tout le monde loue. L'antiquité d'un écrivain n'est pas un titre certain de son mérite, mais l'antique et constante admiration qu'on a toujours eue pour certains ouvrages est une preuve sure et infaillible qu'on les doit admirer.

JP.Sartre : Il faut se rappeler que la plupart des critiques sont des hommes qui n'ont pas eu beaucoup de chance et qui au moment où ils allaient désespérer, ont trouvé une petite place tranquille de gardien de cimetière... Il n'en est pas de plus riant qu'une bibliothèque. Les morts sont là.
Le critique vit mal. Mais il est toujours possible d'entrer dans sa bibliothèque. Et une opération étrange commence qu'il a décidé de nommer lecture. Par un certain côté, c'est une possession : on prête son corps aux ports pour qu'ils puissent revivre. Il pense que la lecture imite l'art comme, pour Platon, le monde sensible imitait celui des archétypes. Et, pendant le temps qu'il lit, sa vie de tous les jours devient une apparence. C'est une fête pour lui quand les auteurs contemporains lui font la grâce de mourir : leurs livres trop crus, trop vivants, trop pressants passent de l'autre bord, ils touchent de moins en moins et deviennent de plus en plus beaux;
Quant aux écrivains qui s'obstinent à vivre, on leur demande seulement de ne pas trop remuer et de s'appliquer à ressembler dès maintenant aux morts qu'ils seront.
Ils ne se passionnent que pour les affaires classées, les querelles closes, les histoires dont on sait la fin.
Les grands écrivains voulaient détruire, édifier, démontrer. Mais nous ne retenons plus les preuves qu'ils ont avancées parce que nous n'avons aucun souci de ce qu'ils entendent prouver. Les abus qu'ils dénonçaient ne sont plus de notre temps; il y en a d'autres qui nous indignent et qu'ils ne soupçonnaient pas;
Il s'ensuit que les meilleurs arguments de ces auteurs ont perdu leur efficience;  nous en admirons seulement l'ordre et la rigueur.
 Dans ces géométries passionnées, quand la géométrie ne convainc plus, la passion émeut encore. Ou plutôt la représentation de la passion.
Sade s'évertue à nous gagner et c'est tout juste s'il scandalise;
La lettre sur les spectacles ne détourne plus personne d'aller au théâtre, mais nous trouvons piquant que Rousseau ait détesté l'art dramatique. Si nous sommes un peu versés dans la psychanalyse, notre plaisir est parfait : nous expliquerons le contrat social par le complexe d'Œdipe et l'esprit des lois par le complexe d'infériorité;
Rousseau, père de la révolution française et Gobineau, père du racisme, nous ont envoyé des messages l'un et l'autre. et le critique les considère avec une égale sympathie. vivants, il lui faudrait opter pour l'un contre l'autre. Mais ce qui les rapproche avant tout, c'est qu'ils ont un même tort, profond et délicieux : ils sont morts.



Marcel Proust : Et non seulement on ne retient pas tout de suite les œuvres vraiment rares, mais même au sein de chacune de ces  œuvres-là, et cela m'arriva pour la sonate de Vinteuil, ce sont les parties les moins précieuses qu'on perçoit d'abord.
Moins décevants que la vie, ces grands chef d'œuvre ne commencent pas par nous donner ce qu'ils ont de meilleur.
Les beautés qu'on découvre le plus tôt sont aussi celles dont on se lasse le plus vite.
Des siècles parfois s'écoulent avant que le public puisse aimer un chef d'œuvre vraiment nouveau. Aussi l'homme de génie pour s'épargner les méconnaissances de la foule se dit peut-être que, les contemporains manquant du recul nécessaire, les œuvres écrites pour la postérité ne devraient  être lues que par elle. mais en réalité toute lâche précaution pour éviter les faux jugements est inutile, ils ne sont pas évitables. ce qui est cause qu'une œuvre de génie est difficilement admirée tout de suite, c'est que celui qui l'a écrite est extraordinaire, que peu de gens lui ressemblent. C'est son œuvre elle-même qui, en fécondant les rares esprits capables de le comprendre, les fera croître et multiplier.
.. Des génies à la même époque peuvent parallèlement préparer pour l'avenir un public meilleur. Si donc l'œuvre était tenue en réserve, n'était connue que de la postérité, celle-ci, pour cette œuvre, ne serait pas la postérité, mais une assemblée de contemporains ayant simplement vécu cinquante ans plus tard.

G. Picon : La beauté d'une œuvre ne se livre pas d'un seul coup, dans une extase toujours identique à elle-même. Elle est ... comme un pays que nous n'avons jamais fini d'explorer. De toutes les expériences humaines... celle-là s'enrichit et s'avive inépuisablement.
Plus nous avançons dans le temps, plus les œuvres que nous aimons nous semblent riches, proches, possédées. Elles seront là demain, et à l'avenir, et non point figées dans une éternité muette : renouvelées par chacune de nos approches.

Et nous pénétrons dans ces chambres nouvelles sans l'angoisse qui nous fait craindre qu'un être cher y pourra. Vivre dans la connaissance et l'amour de l'art n'est pas vieillir, ni perdre, ni oublier. Ici, nous possédons les choses dans un temps qui ne signifie plus usure, mais découverte, qui n'est plus séparation, mais possession.
Les poèmes que nous savons par cœur gardent pour nos regards des éclats insoupçonnés. ..Les pages que nous avons lues tant de fois ne nous ont pas dit encore tout ce qu'elles ont à nous dire...


Chevalier de Méré : Lire les bons auteurs, écrire le mieux qu'on peut... Outre l'avantage qu'on en tire en ce qui regarde l'esprit, il arrive toujours que  cette occupation quand on s'y prend bien donne une justesse, une pureté de langage, une netteté d'expression, et surtout une marche assurée qu'on n'apprend point dans le commerce du monde.
S'il est possible d'acquérir de l'esprit et de se perfectionner par le moyen de la lecture, comme il n'en faut pas douter, c'est assurément par cette voie en prenant l'art et l'adresse des plus achevés, et même si l'on peut, l'esprit de ceux qui l'ont le mieux fait. Mais il se faut bien garder de prendre leurs inventions, ni leurs pensées.
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Date de création : 09/11/2009 . 13:55
Dernière modification : 08/12/2013 . 20:13
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